Monastir

Tendres fragments de Monastir


Dans un film court et passionnant, de jeunes créateurs vont à la rencontre de Monastir et espèrent élargir leur démarche en s'intéressant à d'autres aspects de la mémoire de cette cité ainsi qu'à d'autres villes tunisiennes. Une mention pour Doraid Benzarti, Khalil Mhalla, Raed Frih et Achraf Ben Hassine, un quatuor en quête d'une ville.Dans le film "La Quarantaine", ce qui retient l'attention dès les premières secondes est diffus, presque fugace. Il s'agit de l'adéquation complice entre l'image et le commentaire pour ce documentaire expérimental de quatre minutes. Premières images: une mouette dans le ciel puis une allée où furète un chat et qui ouvre sur la ville. Commence alors un commentaire parfaitement écrit, un texte off dont le ton est juste à chaque moment et qui s'intègre aux images qui montrent un corps en train de se mouvoir et une cité qu'il désire investir.
Une voix et un corps anonyme
à la recherche d'une île
Ce corps est celui du narrateur qu'on ne fait qu'apercevoir. Il marche dans la ville et se dirige vers une île qui, devant Monastir, accueillait les voyageurs en quarantaine. C'est Khalil Mhalla qui interprète cette voix qui parle à Monastir à neuf mille kilomètres de Wuhan. Jusqu'au
2 mars 2020, le narrateur n'avait de projet que celui de poursuivre ses études. Seulement, la vie en décidera autrement et sera l'occasion d'une déambulation dans une ville déserte à la recherche de soi et du passé d'une île.
Très sobrement, Douraid Benzarti suit ces pas, les précède parfois et incruste quelques documents parmi les images qui défilent. Entre les embruns et la silhouette du narrateur, c'est une anecdote qui est rapportée puis un projet qui naît sous nos yeux entre une haie de palmiers au crépuscule. En moins de cinq minutes, le réalisateur installe un dispositif, crée une ambiance qu'il souligne avec une musique de sa propre création et joue avec les différentes lumières du jour. Au début, il s'agissait de découvrir une île sur le littoral car sa mémoire est liée aux quarantaines du passé. Puis, à la fin, le narrateur souligne son désir d'investir d'autres lieux comme l'île Ghedamsi, le Ribat ou encore la grande mosquée. Avec des images très précises et quelques animations, Benzarti rend un film à la fois tendre pour sa ville natale et rapportant la légende de cette île. Pour les auteurs, le projet consiste à collecter des fragments du passé et d'ailleurs, les images finales débouchent sur un texte bref qui nous renvoie au temps préhistorique de cette île.
Sortir le documentaire
de la platitude narrative
Pour ce film, Raed Frih et Achraf Ben Hassine signent les images complétant un quatuor en plein mouvement. Avec des moyens très restreints, les jeunes artistes nous donnent une oeuvre et l'ébauche d'un projet qui pourrait les mener vers d'autres arcanes de Monastir et d'autres villes de Tunis. Pour le moment, l'essentiel réside dans le tempo juste de ce film court et sa capacité à accrocher le spectateur par des images en contrepoint d'un texte à la fois personnel et poétique. En quelques minutes, ce film rompt avec les poncifs dominants et les narrations plates du documentaire. Instillant un décalage entre le savoir qu'on documente et le désir ou l'urgence qui vous poussent vers ce savoir, quatre amis nous donnent une belle leçon de cinéma. Même avec ses imperfections parfaitement assumées par les auteurs qui ne cherchent qu'à apprendre, ce film est en soi des plus attachants et vaut aussi par le projet sous-jacent qui anime ses auteurs.
Encore une fois, les jeunes artistes de l'image nous montrent qu'ils sont le gisement créatif par excellence. Pétris par le désir d'innover, ils sortent des sentiers ressassés et nous offrent des éclats de patrimoine. Travaillant dans le domaine du cinéma, Douraid Benzarti est un ressortissant de l'Ecole supérieure d'art et de design. Avec ses complices, il pourrait faire bien du chemin et consolider ses apprentissages par de nouvelles lectures documentaires.
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