Manouba

«Il ne faut pas prendre les élèves en otage» Corps enseignant


L'échec des négociations à la dernière minute a conduit au maintien de la grève générale dans la fonction publique prévue le 17 janvier. Le corps éducatif a également débrayé dans l'espoir encore une fois d'obtenir la satisfaction de ses revendications. Les écoles, les collèges et les lycées étaient fermés hier sur tout le territoire. Certains enseignants ont bien voulu nous donner leur avis sur cette grève.Saloua Dakhlaou, institutrice dans une école d'El Hamma
Je ne suis pas entièrement convaincue par cette grève. C'est parce que je suis solidaire de mes collègues que j'ai décidé de débrayer. Si notre profession soutient la grève de la fonction publique c'est en raison des salaires de misère que nous percevons et qui ne nous permettent pas de faire face aujourd'hui à la cherté de la vie. Nous ne sommes pas convaincus par les augmentations qui ont été proposées à notre profession pour améliorer notre pouvoir d'achat. Ces augmentations sont dérisoires par rapport à celles qui ont été proposées dans les autres secteurs. En effet, on nous a proposé, au cours de ces dernières années, une augmentation salariale qui ne dépasse pas trente dinars. Certes, comme je l'ai précisé, même si je soutiens les revendications matérielles des agents qui travaillent dans la fonction publique, cette grève comme les précédentes va avoir des répercussions négatives sur le rendement des élèves. Je ne parle pas seulement en tant qu'éducatrice. Je parle aussi en tant que parente d'élève et je trouve préoccupant le manque de concentration et la démotivation que je suis en train d'observer non seulement chez mes enfants mais également chez mes élèves. Ces derniers sont pris entre deux feux. Je suis totalement opposée au fait qu'on les utilise comme moyen pour faire pression sur le gouvernement. Ils ne doivent être pris en otage dans le conflit qui oppose notre profession au ministère car cela finit par se répercuter sur leur rendement et par affecter leur niveau. A mon avis, il faudrait geler pendant deux ou trois ans les augmentations salariales dans tous les secteurs le temps que le pays se remette sur pied et que la croissance économique reprenne. Je pense que c'est l'une des solutions qui devrait être envisagée plutôt qu'exiger des augmentations salariales qui vont miner davantage le budget de l'Etat. Sinon, si le syndicat de l'enseignement tient bon et prévoit de poursuivre l'escalade, il faudrait envisager alors d'autres formes de protestations afin d'éviter de déstabiliser davantage les élèves.
Hassen Salah, enseignant de mathématiques au collège Fadhel Ben Achour La Marsa
Mes collègues et moi sommes conscients que le pays se trouve dans une situation économique délicate et qu'il est, par conséquent, difficile pour le gouvernement, en l'absence de croissance, de trouver les ressources financières nécessaires pour satisfaire les revendications matérielles dans les secteurs de la fonction publique. Mais il faut aussi se mettre à la place des enseignants. Le gouvernement, les parents d'élèves doivent se montrer compréhensifs. Il faut savoir que le métier d'enseignant est un métier qualifié de pénible. Non seulement nous travaillons dans des conditions difficiles mais les salaires que nous percevons ne nous permettent pas aujourd'hui de faire face au niveau de la vie qui n'a cessé de s'élever ces dernières années. Notre pouvoir d'achat s'est considérablement détérioré. Si nous soutenons cette grève c'est parce que nous avons également des revendications matérielles et que nous exigeons des salaires respectables qui nous permettent de faire face à la cherté de la vie. Nous voulons également travailler dans des conditions respectables et non des conditions déplorables. Et nous voulons également que la loi sur la retraite tienne compte de la spécificité de notre métier qui est, comme je l'ai affirmé, «pénible». La grève est le seul moyen de nous faire entendre du gouvernement et de l'amener à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire nos revendications.
Rafika Manai, enseignante de français dans un lycée de la Manouba
Si je soutiens les revendications de notre syndicat, je suis par contre opposée aux procédés utilisés par les syndicalistes pour faire pression sur le gouvernement. Je juge, par ailleurs, que certains d'entre eux tiennent avant tout à satisfaire leur intérêt personnel. Comme je l'ai précisé, je suis contre le recours à la grève car celle-ci a des répercussions négatives sur les élèves. Il ne faut surtout pas les prendre en otage. J'ai en face de moi des élèves qui sont dégoûtés et qui ne voient pas l'intérêt de réviser leur cours tant qu'il n'y a pas d'évaluation. Tout est flou pour eux. Ils sont déprimés. Ils n'ont plus aucune lueur d'espoir. Il y a même des bacheliers qui ont laissé tomber et qui ne veulent plus venir au lycée. Ils font l'école buissonnière. Il faut avoir recours à d'autres formes de protestation. A titre d'exemple, il y a quelques années de cela, lorsqu'on voulait nous faire entendre, on faisant des sit-in. On interrompait les cours pendant une heure. Un responsable venait ensuite discuter avec nous pour négocier. Nous n'avons jamais touché au système d'évaluation. On ne fait grève que pendant une heure. Encore une fois je le répète, il ne faut surtout pas prendre en otage les élèves et les priver de leur droit fondamental d'étudier. L'intérêt des élèves doit primer.
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