Tunis

La descente aux enfers «Escale 32» à Dar Bach Hamba


A l'instar de Virgile, poète favori de Dante, des damnés de la terre nous guident dans l'enfer et le purgatoire des humiliés de ce monde«Escale 32», c'est la pièce qui a donné le coup d'envoi du programme régional des JTC 2015. La première a eu lieu dans les «ghrofs» de Matmata. Et dans le cadre de cette «vision stratégique de la décentralisation» prônée par la 17e édition des Journées Théâtrales de Carthage, le spectacle a été donné, par la suite, dans d'autres lieux non conventionnels, hors théâtres.Voilà qu'à l'occasion du Festival du Printemps qui se déroule du 28 avril au 21 mai, «Escale 32» débarque samedi 14 de ce mois, à Dar Bach Hamba, un des plus beaux palais de la ville dont on attribue la fondation à la famille Rassa, originaire de Tlemcen et installée à Tunis depuis l'époque Hafside.La demeure qui garde le nom de l'un de ses propriétaires, Haj Ahmed Bach Hamba, est aujourd'hui le siège de l'association «l'Art Rue».La pièce, coproduction tuniso-italienne, mise en scène par Moez Mrabet et Andréa Paolucci, d'après un texte de Nicola Bonazzi et Ridha Boukadida qui signe lui-même la dramaturgie, est un voyage dans un monde dont les références sont puisées dans les 'uvres de Dante Alighieri, poète italien du Moyen Âge (1265-1321) et Abou Al Alaâ El Maârri, penseur et poète syrien du XIe siècle, connu pour l'originalité et le pessimisme de sa vision du monde.Le ton est donné à l'entrée de Dar Bach Hamba, par la rue qui porte le même nom. On demande au public de reculer un peu, pour laisser le passage aux comédiens. Ces derniers sont, soudain, éjectés à l'extérieur. Ils sont furieux et en colère contre quelqu'un...Sur le toit de la maison, un homme nous invite à entrer...Dans le patio, des gens en tenue de soirée, leurs verres à la main, font semblant de boire et de rire...Des êtres pliés en quatre, recroquevillés sur eux-mêmes, portant des costumes qui rappellent le Moyen Âge, rampent tels des reptiles et tournent autour du public, qu'ils invitent par la suite à monter à l'étage. «C'est là où vous allez découvrir la vérité», disent 'ils.«La vérité est soleil recouvert de ténèbres ' Il n'a pas d'aube dans les yeux des humains», clamait El Maârri dans l'un de ses poèmes traduits par Adonis.Six pièces. Six situations et des personnages. Dans la première chambre, un homme seul, se prépare à dîner. Une soupe de vin rouge avec des morceaux de pain. Quelqu'un frappe à la porte. C'est la panique. Dehors, il se passe quelque chose. On entend des coups de feu.Dans une autre chambre, le cadavre de l'un de ces « brûleurs » ou voyageurs clandestins, raconte comment il a péri en mer, et demande pardon à sa mère.Les hommes-reptiles, ces damnés de la terre, nous guident vers une troisième chambre : là, il y a une femme, deux nourrissons et le son d'un discours qui rappelle celui d'Hitler.La femme pleure de tout son corps. Elle a visiblement peur.Quelque chose va arriver. Elle se prépare au pire et finit par enfermer l'un de ses bébés dans une valise et l'étouffer.Quatrième chambre : un homme enchaîné nous récite, virgule par virgule, point par point, deux pages d'un livre qu'il avait écrit «par c'ur», dans sa tête, lors de sa détention à Guantanamo.Dans la cinquième chambre, une jeune femme au visage tuméfié, sert le dîner à son mari, violent et violeur. N'en pouvant plus, elle décide de le tuer. A table, à la même place où il avait l'habitude de s'asseoir, c'est sa chair qu'elle déguste, doucement et sûrement...Dans la sixième chambre, enfin, il ya un couple. Un homme-enfant qui veut devenir président, et une femme protectrice qui l'aide, sans cesse, à se déshabiller et à se rhabiller.Cette descente aux enfers est interrompue par la police, qui nous invite d'une manière violente et impérieuse, à quitter les chambres. En bas, dans le patio, l'histoire des deux frères (tels Abel et Caïn) annoncée au tout début du spectacle, continue, dans un conflit qui aboutit au meurtre.Mais avant de tomber raide mort, un des frères, le bon, se lance dans un discours qui en dit long sur la marche du monde d'aujourd'hui, où «tous les hommes se hâtent vers la décomposition.»Dans cette pièce qui, délibérément, tourne en rond, on «intuitionne» ce qui n'arrive pas, on est surpris par ce qu'on prévoit...Point de message d'aucune sorte, puisque tout est dit, comme si c'étaient les auteurs qui parlent, plutôt que les personnages...Ces derniers, on le sent, ont besoin de se libérer de l'auteur pour dire «la vérité» autrement...puisque tout en eux est à se damner. Les comédiens, quant à eux, cherchent encore «la voix» qui les lie à leurs personnages. Alors qu'une voix nature suffit pour exprimer le danger qui ordonne. Les espaces et les corps sont carrément sacrifiés à la pulsion hallucinatoire des mots. Mais le propos est clair : «A toute génération ses mensonges ' que l'on s'empresse de croire et consigner. Une génération se distinguera-t-elle, un jour, en suivant la vérité '»(*)(*) Extraits d'un poème d'El Maârri.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
Veuillez saisir le code ci dessous
*



Recharger l'image

(Les champs * sont obligatores)