Algérie

Le vulgaire au quotidien ! Langage grossier dans l'espace public


A Tunis, l'espace public s'est transformé en un lieu d'échange d'insultes, d'expressions obscènes et de grossièretés. Le langage ordurier rend souvent la présence dans les lieux publics peu recommandée surtout pour les familles. Qu'il s'agisse d'une crise de valeurs ou d'une dégradation des références et normes éducatives, le phénomène est à déplorer, d'autant plus qu'il concerne toutes les catégories sociales.Ce sont des scènes que nous vivons quotidiennement et qui se reproduisent chaque jour dans nos rues, nos moyens de transport et les stations, nos cafés, restaurants et salons de thé... enfin, partout dans l'espace public. Il est quasi impossible de se déplacer, boire son café ou faire ses courses, notamment dans Tunis, et ses périphéries sans entendre, au passage, des mots orduriers ou des échanges d'expressions obscènes. Une telle banalisation de l'usage d'un langage grossier et ordurier qui rend, parfois, l'espace public infernal, exige un décryptage de la situation.
Dans l'un des cafés de Tunis, fréquenté pourtant par des couples, des femmes et même des familles, l'usage de mots obscènes s'est banalisé n'attirant même plus l'attention des présents, car s'abstenir d'utiliser un langage grossier est devenu, de nos jours, rare et même exceptionnel. Ces insultes, blasphèmes et grossièretés ont rendu la vie communautaire et sociale dans les lieux publics incommode et même embarrassante comme l'explique une femme présente dans ce café : «Le phénomène n'est plus l'apanage des hommes, car certaines femmes et jeunes femmes le font de plus en plus, je me sens offensée à chaque fois que j'entends de telles expressions agressives. C'est irrespectueux et malheureusement c'est devenu une pratique courante et banalisée dans notre société au point qu'elle n'attire même plus notre attention». Inutile de rappeler les scènes, devenues très nombreuses, durant lesquelles les conducteurs de voiture s'échangent divers noms d'oiseaux et font usage de violence verbale et recourent à des gestes éhontés qui n'ont rien à voir avec l'honneur. En effet, on assiste à une situation paradoxale ! Des citoyens se font régulièrement agresser parce qu'ils ont choisi de respecter les règles ! Tout ça pour dire que ces formes de violence illustrent bel et bien le quotidien du Tunisien.
Ces comportements anti-sociaux ne sont pas, en effet, liés qu'aux hommes, comme le confirment les sociologues. L'usage du langage ordurier touche désormais toutes les catégories sociales : hommes, femmes, jeunes, personnes âgées et même enfants sont tous concernés par ce comportement déplorable. Pour cause : une dégradation des valeurs sociales, des normes et références éducatives et l'absence de repères et modèles dans la mesure où le noyau familial élargi s'est disloqué.
Les enfants et les jeunes se trouvent livrés à eux-mêmes dès le plus jeune âge et ne trouvent personne pour les encadrer, contrairement au siècle dernier où on trouvait dans chaque quartier un vieil homme et une vieille femme qui étaient «les sages du quartier» et qui jouaient le rôle d'éducateur qui aide les jeunes à intérioriser les normes et les valeurs». Ce fait pourrait être expliqué, en partie, par une dégradation des normes et références éducatives mais aussi par une crise de valeurs, notamment les valeurs morales qui, auparavant, s'opposaient à ce genre de comportements anti-sociaux. La famille, d'abord, et l'école par la suite, premiers noyaux de l'éducation des nouvelles générations, n'aident pas suffisamment pour faire face à cette situation, car parfois, c'est à l'intérieur de ces deux structures que les insultes et la violence verbale et gestuelle sont pratiquées et entrent dans le processus de socialisation des jeunes pour pouvoir être intégrés dans le groupe, explique un sociologue.
Un comportement ostentatoire
D'autre part, il faut souligner le fait que l'usage du langage grossier et ordurier s'explique parfois par le désir insconscient de vouloir se montrer : le m'as-tu-vu, l'ostentatoire, surtout chez la catégorie sociale des jeunes, pour vouloir exprimer une certaine maturité et acquérir un autre statut social bien précis. Dans l'imaginaire et les représentations des jeunes, insulter, dire des grossièretés en public «vous rend plus fort et vous attire l'estime des autres», observe un jeune adolescent.
Et ce sont notamment les mots à caractère sexuel qui intéressent aujourd'hui les jeunes adultes. Ces insultes qui référent au monde de la sexualité font partie du langage des ados, chez les garçons comme chez les filles. Pour certains sociologues, parler «salement» vise à «bousculer les ordres hiérarchiques», le fait d'utiliser le langage obscène, c'est se faire grand, plus respecté dans la société, c'est un comportement ostentatoire comme le tabagisme à un jeune âge, c'est aussi essayer de choquer la société, dans le but d'attirer l'attention sur soi. En effet, ces sociologues expliquent que, dans la société tunisienne, les mots transgressifs les plus utilisés sont ceux qui sont puisés dans le paradigme de la sexualité. Soit ils font partie d'un registre portant sur les organes génitaux des deux sexes, soit de termes, ressentis comme grossiers et offensifs, qui servent à transgresser l'interdit sexuel, voire le tabou, comme l'homosexualité ou la prostitution.
Mais dans un autre sens, des philosophes du langage vont jusqu'à penser qu' humilier l'autre par l'outrage ou l'insulte répond au besoin, qu'on peut qualifier à la limite de «sadique», d'apaiser sa propre souffrance. Quand nous nous hasardons à insulter quelqu'un, c'est dans le but d'éprouver ce qu'on appelle un plaisir libérateur. Mais il faut noter que durant les scènes quotidiennes que nous observons, ces mots orduriers sont ancrés dans notre langage, et ne concernent pas seulement des situations de conflit, de colère ou encore de stress. Certains se défoulent tout simplement et se sentent libérés en insultant leurs semblables.
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