
De notre envoyé spécial, Brahim OUESLATIDans deux ou trois petites semaines, c'est la saison du grand retour des Tunisiens à l'étranger. Ce retour sera certainement avancé de quelques jours, puisque le mois de Ramadan tombera cette année le 17 ou le 18 juin. Ils seront, donc, des milliers de familles à revenir cet été dans leur pays d'origine. C'est devenu une tradition, sans cesse renouvelée, et rares sont ceux ou celles parmi nos concitoyens à l'étranger qui sauteraient une saison. Ce lien avec la patrie est toujours très fort malgré la situation difficile que vit, actuellement, le pays sur les plans sécuritaire, économique et social. Situation qui devrait, en principe, inciter à plus de solidarité et de soutien de la part de ses enfants là où ils se trouvent.85% vivent en EuropeSelon les statistiques officielles de 2012, ils sont plus d'un million 200.000 Tunisiens à vivre en dehors du pays (1. 223. 213). Près de 85% d'entre eux se trouvent en Europe alors que 15% seulement sont dispersés entre les pays du Maghreb (92.000), les autres pays arabes (60.000), l'Amérique (36.000), l'Afrique subsaharienne (2.000) et l'Asie(1.500) et quelque 350 seulement dans ce vaste pays qu'est l'Australie.Toutefois, «ces chiffres officiels semblent être sous-estimés en raison de l'inadéquation des bases des immatriculations consulaires à des fins statistiques». On peut citer les enfants de la troisième génération dont, selon certaines estimations, un enfant sur six n'est pas immatriculé. Il en est de même pour les migrants clandestins ou les sans-papiers qui ne peuvent pas se faire immatriculer. Comme «il n'est pas rare de trouver un identifiant unique pour les membres d'une même famille ou des doublons».Trois pays accueillent à eux seuls plus de 900.000 Tunisiens. C'est la France qui arrive largement en tête avec près de 700.000, suivie de loin par l'Italie avec 190.000 et l'Allemagne avec 87.000. Pour des raisons historiques, culturelles et géographiques, la France a depuis les premières années de l'indépendance constitué une terre de prédilection pour les Tunisiens. Le mouvement migratoire qui a débuté durant les toutes premières années de l'indépendance, voire pendant la colonisation, a connu une forte accélération entre 1960 et 1970, mais aussi pendant la première moitié des années 1980, avec l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République française et l'arrivée de la gauche au pouvoir qui a décidé la régularisation massive des sans-papiers.Pour un organisme uniquechargé des Tunisiens à l'étrangerL'Etat tunisien a toujours fait de son mieux pour s'occuper de la communauté tunisienne à l'étranger. Mais ce n'est qu'en 1988 qu'un Office des Tunisiens à l'étranger a été créé à l'effet de «fournir au gouvernement les éléments et les données lui permettant de mettre en 'uvre une politique d'encadrement et d'assistance aux Tunisiens résidant à l'étranger». Sur le plan structurel, les Tunisiens à l'étranger ont été rattachés au ministère des Affaires sociales et un secrétariat d'Etat leur a même été dédié dans le gouvernement de la Troïka, avant qu'il ne soit supprimé dans l'actuel gouvernement. «Ce qui est une erreur stratégique», confie Mohamed Raouf Khammassi, homme d'affaires résidant en Allemagne depuis plus de 40 ans et coordinateur général de Nida Tounes à l'étranger. «Nous avons proposé la création d'un ministère à part chargé des Tunisiens à l'étranger qui représentent plus de 10% de la population totale, comme c'est le cas dans d'autres pays similaires. Mais voilà qu'on se retrouve avec un strapontin rattaché au secrétariat d'Etat auprès du ministre des Affaires sociales chargé de l'Emigration et de l'Intégration sociale». Cet avis est partagé par la plupart des Tunisiens rencontrés dans la ville de Cologne, en Allemagne, en marge de la réunion extraordinaire des coordinateurs de Nida Tounès à l'étranger et qui sont venus de plusieurs pays comme le Canada, les Emirats arabes unis, l'Italie, la France et l'Allemagne, ou à Paris où on croise fréquemment des Tunisiens, principalement dans certains quartiers commerçants. Pour Khammassi, comme pour d'autres, «l'Office des Tunisiens à l'étranger est devenu archaïque et ne peut plus répondre aux attentes et aux préoccupations sans cesse croissantes de la communauté tunisienne dispersée sur plus de 60 pays au monde». Pourtant, il a, depuis sa création, fait un gros travail en matière d'encadrement, de réinsertion et d'échanges. Pendant les vacances, il assure des cours gratuits d'enseignement d'arabe pour les jeunes Tunisiens rentrés pendant les vacances et qui sont fortement influencés par les cultures des pays d'accueil. Mais ce n'est plus suffisant, les choses ont évolué de manière très rapide, notamment au cours des dernières années et les structures actuelles n'arrivent plus à suivre le rythme des évolutions. D'où la décision de sa restructuration pour le doter de nouveaux mécanismes en vue de favoriser la polarisation des Tunisiens à l'étranger. Et puis, explique Raouf Khammassi, «nous proposons que les différentes structures en charge des Tunisiens à l'étranger qui sont dispersées entre plusieurs ministères soient regroupées en un seul organisme, ce qui faciliterait la prise en compte de leurs besoins et revendications et permettrait une meilleure gestion des cas et des dossiers.»Doter le conseil des Tunisiensà l'étranger d'un pouvoirdécisionnelL'apport des Tunisiens à l'étranger n'est pas négligeable dans le transfert d'argent qui ossille entre trois et quatre milliards de dinars par an. En plus d'un investissement global de plus de 320 millions de dinars. Mais tout cela demeure insuffisant eu égard aux attentes et aux aspirations des uns et des autres. C'est pourquoi, «on doit exhorter les Tunisiens à l'étranger à rentrer en masse pendant les vacances pour aider à sauver la saison touristique et prendre de nouvelles mesures incitatives pour les encourager à investir davantage dans leur pays et particulièrement dans leurs régions», ajoute le coordinateur général de Nida Tounes à l'étranger.Les mesures prises par le gouvernement Habib Essid, jeudi 22 mai dernier, au profit des Tunisiens à l'étranger ont été accueillies avec beaucoup de satisfaction et sont de nature à encourager le retour massif pendant les vacances et surtout à renforcer les liens avec le pays. Toutefois, concernant la création du Conseil national des Tunisiens à l'étranger, le projet proposé par le gouvernement n'est pas exempt de reproches. Il stipule, en effet, que ce conseil sera présidé par le chef du gouvernement et comprendra les 18 députés représentant les Tunisiens à l'étranger, 15 ministres, 3 experts et 18 représentants de la société civile et des organisations professionnelles. Or, le nombre semble pléthorique et les critères de choix des représentants des Tunisiens à l'étranger ainsi que la représentativité de la société civile et des organisations professionnelles ne sont pas clairs. D'où la crainte pour certains de voir ce conseil dévier de ses véritables objectifs et devenir une boîte d'enregistrement, ou encore un simple forum de discussion sans pouvoir décisionnel. Pour ce qui est des représentants des Tunisiens à l'étranger dans ce conseil, Raouf Khammassi préconise qu'ils soient élus par leurs pairs. Ce qui permettrait d'avoir une meilleure représentativité et moins de contestation.Cependant, on déplore le manque flagrant d'études et de recherches sur la diaspora tunisienne. On se suffisait des rapports élaborés par les structures concernées et qui sont à la fois ponctuelles et factuelles et demeurent aléatoires. La collecte des données étant difficile. Il faudrait instaurer une nouvelle approche fondée sur des études scientifiques et des enquêtes quantitatives et qualitatives pour une meilleure compréhension des Tunisiens à l'étranger et notamment les jeunes d'entre eux. Les résultats de ces études et enquêtes devraient aider le gouvernement à orienter sa politique en fonction des besoins et des attentes réelles, mais aussi en fonction des difficultés relevées. Sinon, comment pourrait-on comprendre le parcours des jeunes, leurs projets, leurs difficultés et leur rapport à la partie'
Posté Le : 02/06/2015
Posté par : infos-tunisie
Source : www.lapresse.tn