Un profil à part Hédi Tounsi

Ce n'était ni une voix «née» ni un chanteur «savant». Et il ne s'entendait ni de malouf ni de mezoued. Pas plus qu'il ne s'aventurait dans les musiques «nouvelles», rap, rai ou «fusion». Ce fut, pourtant, une star éminemment populaire, une vedette à tubes (sans vrai répertoire personnel) qui drainait foule et triomphait dans les galas privés.Un artiste atypique, voilà ce qu'était Hédi Tounsi, un «profil à part» dirait-on, mais un artiste vrai de vrai,ne nous y méprenons pas : dans les Arts et les spectacles, il n'y a pas de succès immérité.Le «profil à part» de Hédi Tounsi était, en fait, une synthèse entre tradition et fantaisie. L'artiste n'exploitait pas beaucoup de titres,mais il aura, à chaque fois, effectué le choix le plus «adéquat». C'est-à-dire un style de phrasé (mélodies courtes, rythmées) n'exigeant pas de réelles performances vocales, et un texte simple, piquant, à la limite du «cocasse», joyeusement familier. Soit,la formule la plus attrayante pour le (large) public moyen et, dans le même temps, la moins sujette à la critique initiée. Les deux emprunts à la chanson juive des années 30 «ana habbaitou» et «Lilet sebbat» ont été de véritables réussites en technique (studio) et interprétation(accent décalé de pure fantaisie). «Sawer sawer», tube personnel, eut le même écho, à peu près pour les mêmes raisons : simplicité, enjouement, entrain.Il faut ajouter à ces indéniables qualités artistiques et professionnelles, le charisme particulier de l'homme de scène (spontanéité, aisance), voire de l'homme tout court (jovial, convivial), et l'on comprendra mieux l'estime dont l'artiste jouissait auprès des Tunisiens, autant que l'ébranlement et la tristesse que sa mort a suscités dans tout le pays.Paix à ton âme, Hédi Tounsi.